Les fruits, le Club de vie et le mode « mute »
Demain, les jumeaux auront 14 ans. Facebook, n’a pas manqué de le rappeler avec une publication anniversaire. En consultant ce souvenir, je réalise le pouvoir des photos. Je pense que c’est pour ça que j’aime tant en faire.
C’est un peu comme dans le dessin animé « Inside out » (« Vice Versa ») : dans le Quartier Général de l’esprit de Riley, des boules de souvenirs sont soigneusement rangées sur des étagères. Elles peuvent être consultées ou manipulées par les émotions qui résident dans le Q.G. Les souvenirs importants appelés « souvenirs essentiels » sont traités avec encore plus de soin et d’attention.
Alors, je prends une boule sur mon étagère et je me projette un film de mai 2010.
Dans cet épisode-ci, trois émotions prennent les commandes.
- Il y a la JOIE bien sûr : quel bonheur de porter ces bébés après un si long chemin. « Vous avez autant de chance d’avoir des enfants ensemble que de gagner au Loto », nous avait-on dit alors que nous avions à peine 26 ans. Clairement, nous avions gagné ! Avec l’aide de la science bien sûr… mais nous avions gagné. Et là, c’était même le super jackpot puisqu’ils étaient deux.
- La gorge se serre, les poumons se rétrécissent, le ventre se tord… C’est un vent de TRISTESSE qui passe tout à coup. Il y a 14 ans à cette heure-ci, nous nous sentions tellement démunis. Félix avait un problème cardiaque grave. Si la grossesse se terminait, d’autres combats allaient devoir être menés. Nous n’avions aucune maîtrise de la situation, nous étions obligés de surfer sur la vague et la laisser nous emporter.
- Et alors toi… toi… Oh, oui toi… Je ne sais pas comment tu t’appelles mais je ne t’ai pas oubliée. 14 ans plus tard, j’entends encore ta voix. Nous participions à cette fête de famille mais je ne te connaissais pas. Tu t’es assise à côté de moi et tu m’as demandé : « Il paraît qu’il y en a un qui est malade. C’est le garçon ou la fille ? » Quand j’ai dit que c’était Félix, tu m’as répondu : « Oh, ça c’est pas de chance. Ce serait la fille… ben comme tu en as déjà 2… » . Tu l’entends encore un peu ma COLERE, non ?
Je pose mon téléphone sur mon bureau, sur ces documents préparés pour un atelier que j’ai animé lundi : l’Arbre de Vie.
J’aime ces hasards qui n’en sont peut-être pas.
L’Arbre de Vie, c’est un super outil qui m’a été enseigné par Dina Scherrer. Je l’adore. Il permet de s’arrêter et regarder le chemin parcouru (les racines), faire le point sur ses besoins (le sol), reconnaître ses forces (le tronc) et se projeter dans l’avenir (les branches) en honorant les ressources à disposition (les feuilles). Dans l’Arbre de Vie, il y a aussi les fruits. Ce sont les cadeaux de la Vie.
C’est ça que j’ai envie de retenir la prochaine fois que je verrai cette photo. Notre parcours, nos enfants, c’est à la fois dans nos racines et ce sont des cadeaux. Je regarde toutes ces feuilles et j’y vois notre famille, nos amis, des collègues… A bien y réfléchir : cette Madame n’a pas sa place ni sur mon dessin ni dans mes souvenirs.
Et là, je vois la pétillante Dina expliquer qu’on peut toujours « tourner le bouton pour mettre ce dont on ne veut pas sur mute ».
La prochaine fois que je regarderai mon joli film souvenir, je m’assurerai donc que le son est bien réglé. Parce qu’après tout, c’est vrai : faut-il donner de la voix à ce qui ne nous sert pas ?
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